dimanche 2 avril 2017

1952 Dame vagabonde.








 Sur ce lac j'imagine des cygnes et des canards,
Des barques en redingote se faufilant le soir
Sur les bords, une passante, au bras un sac à main,
Son manteau grisonnant comme la brume du matin
Ces cheveux frisottants longeant ses épaules fines,
La brise finissante, s'essoufflant en sourdine.


Sur les ondes endormies, aux profondeurs voilées,
Une mouette se posait, son plumage argenté.
Les ailes déployées, des ailes de liberté.
Elle regarda cette femme, aux longs cheveux bouclés,
Puis, s'envola, avec force, au loin, dans la nuée,
Au bout de ce vieux monde, disparue à jamais.

Les yeux vers l'infini, profondément absente,
Cet ailleurs en balade où la pensée se campe,
Ce nulle part mystérieux, éternel inconnu,
Qui souvent s'évade, aux limites absolues,
Où l'horizon s'endort, dans l'étoffe du temps
Aux délicieuses rondeurs du soleil levant.

Elle imagine, elle rêve, elle construit ses chimères
Elle s'invente un monde, en tricote un pull over,
Elle a chaud, quand le temps est au froid de l'hiver,
Elle est bien, toute seule, dans son imaginaire,
Les remparts sont si hauts, le monde n'existe plus,
Elle est là dans l'apparence, une réalité perdue.

Sur ce lac, j'imagine, l'eau fumante aux aurores,
Les montagnes éveillées, prenant place aux décors,
L'île aux cygnes, sublimée, comme flottante sur les ondes,
Et, cette barque amarrée, cette dame vagabonde.
Elle est toujours là, son manteau grisonnant
Ses cheveux bruns frisés, le long soupir du vent.

La brume se dissipe, légère et délicate,
Mère nature se révèle, au soleil écarlate,
Un moineau se pose, aux pieds de notre Dame,
Le lac se reverdit d'émeraude et s’enflamme.
Le clapotis des vagues en rythme s'éclaircit,
Le matin se réveille, le jour clame à la vie.

Elle fixait toujours les bords de l'autre rive,
Cette autrement dame, aux prunelles évasives
Le regard hypnotique, l'âme introvertie,
Le visage figée, comme absente et sans vie,
Elle se dressait, debout, droite comme un pic,
Et les mouettes virevoltaient, en spirales romantiques.








J'imagine, l'Indochine, son Amour est parti,
Rejoindre les troupes, et si loin du pays,
Seule, elle venait là, sur le bord du chagrin,
Etre avec lui, tôt, le matin, chaque matin,
De l'hiver à l'été, de l'été à l'hiver...
Le rejoindre en pensée, dans ses rêves lunaires.
C'était l'unique instant, où elle pouvait lui parler,
Où elle le rêvait, l'imaginait, l'entendait,
Le voyait, communiquait avec son âme,
Sa belle âme ouverte à ses rêves de Dame,
Avec ce lointain, pourtant si proche à cette heure.
Le Mékong, Phnom Penh, les bombes, l'horreur.
La guerre, les victimes, les morts et les blessés,
Toutes ces images obscures, lourdes de cruauté,
Son amour était là-bas, son amour passionné,
Elle entendait les cris, toutes ces vies écorchées,
Arrachées de douleurs, d’un monde sans pitié,
Son amour était là-bas : -«  qu’on ne lui fasse pas mal,
Qu’il revienne au plus vite, qu’il me prenne dans les bras. »…

« Dans ses bras, qu’il fait bon, qu’il fait chaud, j’y suis bien
Le matin au réveil, le soir après le gagne-pain
La télé, c’est trop cher, on n'aime pas le bistrot,
Alors on se promène : balade au bord de l’eau,
Il y a toujours une barque, qui nous ouvre nos rêves,
Et on contemple la lune, les étoiles, puis nos lèvres,
Nos baisers nous réchauffent lorsque le jour s’endort,
Et que la bise se promène, sur les ondes près du port,
On écoute les planètes, leurs murmures de velours,
Tandis que la pleine ronde, nous incite à l'amour.
Que j'aimerais rester dans cette barque, toujours,
Pensait-elle, une larme couchée juste au bord de la joue"...

Sur ce lac j'imaginais des cygnes et des canards,
Une barque en redingote se faufilant le soir
Sur les bords, une passante, au bras un sac à main,
Son manteau grisonnant comme la brume du matin…

Texte et musique: Robert Nicollet.

2 commentaires:

  1. Ce poème possède la cle d un roman. Merci pour ce beau partage

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  2. Merci Jean Jacques pour ce commentaire... leur vie (mes parents) a été un roman... bonne journée, amicalement, Robert.

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